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RIENZI.

tion de la pupille, s’assombrissant dans l’ombre pour s’éclaircir jusqu’au bleu d’azur aux rayons de la lumière.

« Benedetta, dit Irène, où es-tu ? Ô ! Benedetta, quel rêve ai-je fait ?

— Et moi aussi, quelle vision ! pensa Adrien.

— Où suis-je ? s’écria Irène, se levant sur sa couche. Cette chambre, ces tentures ! Sainte Vierge ! Est-ce que je rêve encore, et vous ? Ciel ! c’est le seigneur Adrien de Castello !

— Est-ce un nom qu’on t’a enseigné à craindre ? En ce cas je le répudierai. »

Irène alors rougit profondément, et ce ne fut pas en ressentant cette volupté désordonnée avec laquelle, selon les prévisions de son cœur romantique, elle aurait dû entendre les premiers hommages d’Adrien de Castello. Abasourdie, confuse, terrifiée par l’étrange caractère du lieu, reculant d’horreur à la pensée de se trouver seule avec un être qui, depuis des années, dominait son imagination, l’alarme et la détresse étaient les émotions qu’elle éprouvait le plus vivement et qui faisaient le plus d’impression sur son visage expressif ; maintenant qu’Adrien s’approchait d’elle, malgré la douceur de sa voix et le respect qui se peignait dans ses regards, elle sentit s’accroître ces craintes dont le caractère vague ne diminuait pas l’influence ; elle se retira jusqu’à l’extrémité opposée de l’appartement, lança autour d’elle des regards éperdus, puis, de ses mains, se couvrant la figure, éclata dans un transport de douleur.

Lui-même, ému des larmes de la jeune fille, et devinant ses pensées, Adrien oublia un instant les vœux plus audacieux qu’il avait conçus.

« Ne crains rien, douce dame, lui dit-il sérieusement, rappelle tes souvenirs, je t’en conjure : aucun péril, aucun mal ne peut t’atteindre ici ; c’est cette main qui t’a sauvé de l’outrage d’un Orsini, ce toit n’est que l’asile d’un