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RIENZI.

ture des lettres, les fiers gentilshommes du second ordre, la génération qui grandit, plus sage que ses ancêtres indolents ; surtout, monseigneur, les plus humbles ministres de la religion, prêtres et moines, que le luxe n’a pas rendus aveugles, que la pompe n’a point rendus sourds au monstrueux outrage que le christianisme reçoit jour et nuit dans la capitale du monde chrétien ; ceux-là, tous ceux-là sont unis avec le marchand et l’artisan par un lien indissoluble, n’attendant que le signal pour succomber ou pour vaincre, pour vivre en hommes libres ou mourir en martyrs, avec Rienzi et leur patrie !

— Puisses-tu parler ainsi en toute vérité ! dit l’évêque, tressaillant et se levant à demi. Prouve seulement tes paroles par le succès, et tu ne trouveras pas les ministres de Dieu moins empressés au bonheur des hommes que leurs frères laïques.

— Ce que je dis, répliqua Rienzi d’un ton plus froid, je puis le faire voir, mais je ne puis le prouver qu’à ceux qui seront avec nous.

— Ne me crains pas, dit Raimond, je connais bien la secrète pensée de Sa Sainteté, dont je suis le délégué et le représentant ; et quand il n’y verrait que la borne légitime et naturelle mise au pouvoir des patriciens, qui, dans leur arrogance, ont réduit à néant l’autorité de l’Église elle-même, sois sûr qu’il sourirait à la main qui a tracé cette limite. Vrai, j’en suis si certain, que, si vous réussissez, moi, son responsable mais indigne vicaire, moi-même je sanctionnerai le succès. Mais gardez-vous d’essais infructueux ; l’Église ne doit pas s’affaiblir en s’associant à un échec.

— C’est juste, monseigneur, reprit Rienzi, et en ceci la politique de la religion est celle de la liberté. Juge de ma prudence par ma longue attente. L’homme qui peut voir tout ce qui l’entoure impatient… comme lui-même, et qui peut néanmoins étouffer le signal et attendre jusqu’au