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RIENZI.

— De quoi ? interrompit vivement l’évêque. Pouvons-nous rien y faire ? Laisse-là tes rêves d’enthousiaste : descends sur le monde réel ; vois les choses de sang-froid. Contre des hommes aussi puissants que pouvons-nous faire ?

— Monseigneur, répondit gravement Rienzi, c’est le malheur des nobles de votre rang de ne jamais connaître le peuple ou les signes précis de l’époque. De même que ceux qui gravissent les cimes des montagnes voient au-dessus d’eux les nuages balayer l’espace, en voilant à leurs regards les plaines et les vallées, tandis que ceux qui sont élevés seulement un peu au-dessus du niveau, contemplent les mouvements et les maisons des hommes, de même, de votre imposante éminence vous ne voyez que des vapeurs tristes et confuses, tandis que de mon poste plus humble, je vois les bergers faire leurs préparatifs pour s’abriter eux et leurs troupeaux de l’orage annoncé par ces nuées. Ne désespérons pas, monseigneur, la patience a ses limites, elle y est arrivée ; Rome n’attend que l’occasion (et cette occasion viendra bientôt, mais il ne faut rien de soudain) pour se lever comme un seul homme contre ses oppresseurs. Le grand secret de l’éloquence est d’être de bonne foi. » Le grand secret de l’éloquence de Rienzi résidait dans la force de son enthousiasme. Jamais il ne parlait comme un homme qui doute du succès. Peut-être, comme la plupart de ceux qui entreprennent de hautes et grandes actions, lui-même ne s’apercevait-il jamais de tous les obstacles placés sur son chemin. Il voyait le but, brillant et distinct, et, dans la vision de son âme, sautait par-dessus les embarras et la longueur de la route, de sorte que les profondes convictions de son esprit laissaient dans celui des autres une irrésistible empreinte. Il semblait moins promettre que prophétiser.

L’évêque d’Orvieto, qui n’était pas un aigle, mais qui