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RIENZI.

le noble Boniface lui-même, homme d’un grand cœur et de nerfs de fer, fut tenu en servitude par les ancêtres des Orsini, n’entrant dans la ville et n’en sortant qu’à leur volonté : si bien que, comme un aigle en cage, il se brisa la tête contre ses barreaux et mourut. Vraiment, tu parles des souvenirs de Rome ; ce ne sont pas là des souvenirs très attrayants pour des papes.

— Bien, dit Rienzi en riant doucement et en rapprochant son siége de celui de l’évêque : certes, monseigneur a maintenant le bon bout de la discussion, et je dois reconnaître que si puissant, si licencieux, si profane que fut alors l’ordre de la noblesse, il l’est encore davantage aujourd’hui.

— Même moi, répliqua Raimond tout en rougissant, quoique vicaire du pape et représentant de son autorité spirituelle, j’ai été, il n’y a pas plus de trois jours, victime d’un grossier affront de la part de ce même Étienne Colonna, qui a toujours été l’objet de tant de faveurs et de tendresses de la part du saint-siége. Ses domestiques ont écarté du coude les miens en pleine rue, et moi-même, moi, le délégué du père des rois, j’ai été forcé de me retirer de côté, le long de la muraille, et d’attendre que ce chauve insolent eût fait passer tout son train. Les paroles blasphématoires n’ont pas manqué non plus pour compléter l’insulte.

« Pardon, seigneur évêque, dit-il en passant près de moi, mais ce monde, tu le sais, doit nécessairement prendre le pas sur l’autre. »

— A-t-il eu cette audace ? reprit Rienzi, ombrageant sa figure avec sa main, tandis qu’un sourire tout particulier, qui, sans être bien jovial, mettait les autres de bonne humeur et changeait complétement le caractère de sa figure, naturellement grave et même rigide, se jouait autour de ses lèvres. Alors il est temps pour toi, saint-père, comme pour nous, de…