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RIENZI.

pides et légers, comme s’il était porté sur des ailes ; sa poitrine haletait, ses yeux étincelaient. Il sentait que l’amour lui-même peut à peine inspirer un transport égal à celui qu’éprouve, dans le premier enthousiasme d’un cœur vierge, un patriote qui a conscience de sa sincérité !

Un léger coup fut frappé à la porte et le serviteur se présenta, revêtu des riches livrées que portaient les officiers du pape.

« Seigneur, dit-il, Mgr l’évêque d’Orvieto demande à vous parler.

— Ah ! voilà qui est heureux. Des lumières ici ! Monseigneur, cette visite est un honneur que j’apprécie plus que je ne puis dire.

— Bah ! bah ! mon bon ami, dit l’évêque, et en même temps il entra et s’assit familièrement ; point de cérémonies entre les serviteurs de l’Église ; et jamais, je le sais, elle n’a eu plus grand besoin de vrais amis qu’aujourd’hui. Ces tumultes profanes, ces discussions déréglées, au fond même de l’autel et de la ville de saint Pierre, suffisent pour scandaliser toute la chrétienté.

— Et il en sera ainsi, dit Rienzi, jusqu’à ce que Sa Sainteté même soit gracieusement déterminée à fixer sa résidence au siège de ses prédécesseurs et à réprimer d’un bras vigoureux les excès des nobles.

— Hélas ! mon ami, dit l’évêque, tu sais que ces mots ne sont que du vent, car le pape fût-il disposé à satisfaire des souhaits et à quitter Avignon pour Rome, par le sang de saint Pierre ! ce ne serait pas lui qui dominerait les nobles, ce seraient les nobles qui le domineraient. Tu sais bien que jusqu’à ce que son prédécesseur béni, de pieuse mémoire, conçût le sage dessein de se sauver à Avignon, le père du monde chrétien était comme tant d’autres pères dans leur vieillesse, surveillé et gardé à vue par ses enfants rebelles. Ne te rappelles-tu pas que