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RIENZI.

respectable ; la plupart d’entre eux étant de laborieuses copies manuscrites prises de la main du propriétaire dans d’immortels originaux.

La joue appuyée sur sa main, le front un peu plissé, les lèvres légèrement comprimées, ce personnage s’abandonnait à des méditations bien différentes des indolentes rêveries des savants. Les rayons élevés d’une lune sereine qui se reflétaient sur sa personne donnaient une nouvelle et solennelle dignité à des traits naturellement d’un moule grave et majestueux. D’épais cheveux blond cendré, dont la couleur n’étant pas commune aux Romains était attribuée à sa descendance de l’empereur d’Allemagne, se groupaient en fortes boucles au-dessus d’un front élevé et large, et, même en ce moment, la contraction de ce front pensif n’empêchait pas de reconnaître une puissance cachée dans cet écartement dont les sculpteurs grecs de l’antiquité ont, par un art admirable, fait le signe expressif de l’autorité et de l’énergie silencieuse du commandement. Mais ses traits n’étaient point jetés dans le moule grec, encore moins dans le moule germain ; la mâchoire de fer, le nez aquilin, la joue un peu concave, rappelaient d’une manière frappante le caractère vigoureux de la race romaine, et auraient pu fournir à un peintre un modèle tout fait pour le dernier Brutus.

Les contours arrêtés de la figure et la lèvre supérieure, petite et ferme, n’étaient pas cachés sous la barbe et les moustaches qu’on portait alors ; et, dans le portrait flétri du personnage qui se voit encore à Rome, on peut découvrir une certaine ressemblance avec les portraits populaires de Napoléon ; non pas, à la vérité, dans les traits, qui sont plus sévères et plus prononcés chez le Romain, mais dans cette expression particulière de puissance concentrée et tranquille, qui réalise presque l’idéal de la majesté intellectuelle. Bien qu’il fût encore