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RIENZI.

est le seul contrat qu’aucun homme, pour ingénieux qu’il soit, ne peut rompre ni éluder.

— Pardonne-moi, noble chevalier, lui dit Adrien en levant les yeux de dessus son fardeau, si je ne m’abandonne pas encore tout entier à ma gratitude. Je suis assez instruit en chevalerie pour être sûr que tu reconnaîtras que mon premier devoir m’appelle ici.

— Ah ! c’était une dame, alors, qui causait la querelle ! Inutile de demander qui était dans le bon droit, quand un homme apporte dans une rivalité une telle inégalité de forces, comme ce misérable !

— Tu fais une légère méprise, sire chevalier, ce n’est qu’un agneau que j’ai sauvé du loup.

— Pour ta propre table ! Ainsi soit-il ! » répliqua gaiement le chevalier.

Adrien sourit gravement et secoua la tête pour lui dire qu’il se méprenait sur ses intentions, et, à vrai dire, sa position était un peu embarrassante. Bien que d’ordinaire il fût galant, il ne se souciait guère d’exposer à une fausse interprétation le désintéressement de ce dernier acte, et, dans le désir qu’il avait de se rendre populaire, il craignait de faire tache à l’influence que sa valeur lui donnait sur ses concitoyens, en transportant chez lui Irène dont il avait d’ailleurs à peine remarqué jusque-là la beauté ; et cependant, les circonstances présentes ne lui laissaient pas d’autre alternative. Elle ne donnait pas signe de vie. Il ne connaissait ni sa demeure ni sa famille. Benedetta avait disparu. Il ne pouvait abandonner sa protégée sur la voie publique ; il ne pouvait la remettre aux soins d’un autre ; et comme elle reposait maintenant sur sa poitrine, il éprouvait déjà quelque affection pour elle, par ce sentiment de protection qui est si doux au cœur humain. Il expliqua donc brièvement à son entourage sa situation présente et la cause du récent conflit, puis il ordonna aux porteurs de torches de le précéder à sa maison.