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RIENZI.

méridional, dissimulaient à peine leur mépris pour sa lâcheté.

Le compagnon du routier était un homme d’une tournure martiale, mais aisée. Il portait au lieu de casque une toque de velours cramoisi ornée d’une plume blanche ; à son manteau ou surtout d’écarlate était brodée une large croix blanche sur le dos comme sur la poitrine ; son corselet avait un poli si brillant que, de temps en temps, quand le manteau ondoyait de côté et le découvrait aux rayons de la lune, il étincelait lui-même comme une étoile.

« Non, Rodolphe, disait-il, si tu es si bien loti ici chez ce rêveur à tête grise, Dieu me garde de vouloir t’engager à rentrer dans notre joyeuse bande. Mais, dis-moi, ce Rienzi, crois-tu qu’il ait vraiment un pouvoir solide et formidable ?

— Bah ! noble capitaine, il n’en a pas un fétu. Il plaît à la canaille ; mais les nobles se moquent de lui ; et, quant aux soldats, il n’a pas d’argent !

— Ainsi il plaît à la populace ?

— Oh ! pour cela, oui, et il n’a qu’à ouvrir la bouche pour faire taire tout le fracas de Rome.

— Hum ! quand les nobles sont haïs et les soldats achetés, une populace peut à toute heure avoir le dessus. À peuple honnête, faible populace ; à peuple corrompu, forte populace, dit l’autre se parlant à lui-même plutôt qu’à son compagnon, et peut-être ne se doutant guère de l’éternelle vérité de son aphorisme. Ce n’est pas un simple braillard que ce Rienzi, à ce que je soupçonne. Il faut que j’y regarde. Écoute, qu’est-ce que c’est que ce bruit-là ? Par le saint-sépulcre, c’est le tintement de notre métal !

— Et ce cri : « aux Colonna ! » s’écria Rodolphe… Excusez, mon maître, il faut que je m’en aille à la rescousse.

— Oui, oui, ton service l’exige ; cours, non, attends,