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RIENZI.

voulez marcher en sécurité sur la place publique, ne faites pas violence à une Romaine ? Oui, ces murs même qui vous entourent vous prêchent le châtiment d’une telle action. C’est pour cette injure que les Tarquins sont tombés ; pour cette injure, qu’on a balayé les décemvirs ; pour cette injure, si vous osez le faire, que le sang de toute votre maison peut couler comme de l’eau. Renoncez donc, monseigneur, à cette folle tentative, si indigne de votre grand nom ; renoncez-y, et remerciez même un Colonna d’être venu se placer entre vous et un instant de délire ! »

Si nobles, si imposants étaient l’extérieur et les gestes d’Adrien, lorsqu’il parlait ainsi, que même ces grossiers satellites se sentirent tressaillir de sympathie et de remords… mais non pas Martino di Porto. Il avait été frappé de la beauté de cette proie qu’on venait lui arracher si subitement, il s’était habitué à de longs méfaits et à une longue impunité ; la vue même, la voix même d’un Colonna était comme un spectacle blessant pour ses yeux, un son discordant à ses oreilles ; que devait-ce être, alors qu’un Colonna venait heurter ses penchants effrénés et flageller ses vices !

« Pédant ! s’écria-t-il les lèvres tremblantes, ne viens pas m’assourdir de tes légendes babillardes, de tes contes de commère ! Ne t’avise pas de songer à m’arracher mon droit de possession sur une autre, quand ta propre vie est entre mes mains ! Lâche la fille ! Jette bas ton épée ! Rentre au logis sans plus de discours, sinon, par ma foi et par les lames de mes gens (regarde-les bien !) tu meurs !

— Seigneur, dit tranquillement Adrien, mais tout en parlant il se retirait peu à peu avec son joli fardeau vers la muraille voisine, de manière au moins à ne se laisser que par devant exposé à ces terribles risques, tu ne voudras pas abuser de la chance du moment ni t’exposer au