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RIENZI.

le premier élan de son courroux, et dit tout haut, avec sang-froid, mais avec dignité : « Fais ce que je te commande ; arrête ce tumulte, — nous donnons les honneurs de la réserve, de la modération. Que dans une heure tout soit tranquille, et demain viens prendre chez moi ta récompense ; cette bourse te sera un gage des remercîments que je te destine. Quant à mon parent, je t’ordonne de le nommer avec plus de respect, c’est en son nom que je parle. Écoute ! le tumulte va croissant, le conflit s’échauffe, va, ne perds pas un moment de plus ! »

Frappé en quelque sorte d’une crainte respectueuse par la tranquille fermeté du patricien, Rodolphe s’inclina sans répondre, glissa l’argent dans sa poche et entra fièrement au beau milieu de la foule. Mais, même avant son arrivée, une réaction subite avait eu lieu.

Le jeune cavalier, laissé seul en cet endroit, suivait des yeux la figure du mercenaire qui s’éloignait, tandis que le soleil couchant lançait sur son casque poli d’obliques rayons, et Adrien se disait ces amères paroles : « Malheureuse cité, source de tous les grands souvenirs, reine tombée de mille nations ! Oh ! comme tu es découronnée et outragée par tes propres enfants, traîtres apostats ! tes nobles se déchirant les uns les autres, ton peuple maudissant tes nobles ; tes prêtres, qui plantent la discorde où ils devraient semer la paix ; le père de ton Église désertant tes majestueuses murailles, pour faire d’un asile la résidence de sa grandeur ; sa mitre devenue un fief, sa cour un village Gaulois…, et nous ! nous qui sommes du plus beau sang de Rome, nous, les fils des Césars, nous les descendants de demi-dieux, réduits, pour la défense d’un insolent et odieux gouvernement, à l’épée de quelques soldats de louage qui raillent notre lâcheté, en mangeant notre pain, qui tiennent nos citoyens dans l’esclavage et règnent en maîtres sur leurs maîtres eux-mêmes !