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RIENZI.

semble une bonne soirée. — Cher poëte, votre ode m’a transporté aux jours d’Horace ; pourtant, je crois que nous avons tort de rejeter la langue nationale pour le latin. Vous secouez la tête ? Eh bien, Pétrarque pense comme vous ; son grand poëme épique marche à pas de géant à ce que j’ai ouï dire à son ami et son lieutenant que voici justement. — Mon cher Lélius, n’est-ce pas votre titre chez Pétrarque ? Je ne puis assez vous dire tout le plaisir que m’a fait sa bonne lettre si pleine d’encouragement et de nobles conseils. Hélas ! il se fait une idée trop haute, non pas de mes intentions, mais de mon pouvoir. Nous verrons cela plus tard. »

Une légère ombre de mélancolie assombrit à ces mots le front du tribun ; mais, en continuant sa marche entre deux haies nombreuses de nobles et de princes, il reprit son sang-froid et sa dignité qu’il avait un moment oubliés avec de ses égaux d’autrefois. Ce fut ainsi qu’il traversa la foule, et peu à peu finit par disparaître.

« Il joue joliment son rôle, disait un invité, tandis que l’on se rasseyait. Avez-vous remarqué ce nous ? — style royal !

— Mais il faut avouer qu’il fait bien de le prendre sur ce ton, dit l’ambassadeur des Visconti ; moins d’orgueil pourrait paraître une rampante servilité avec une cour si superbe.

— Comment ! fit alors un professeur de Bologne, pourquoi donc traiter le tribun d’orgueilleux ? Je ne vois pas d’orgueil chez lui.

— Ni moi non plus, » dit un opulent joaillier.

Tandis que ces commentaires et d’autres encore plus contradictoires suivaient la sortie du tribun, il passait dans le salon où présidait Nina ; c’est là surtout que sa belle mine et sa langue argentine (suavis coloratæque sententiæ, suivant la description de Pétrarque), lui gagnaient auprès des dames romaines une faveur beaucoup plus