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RIENZI.

— Maintenant Dieu veuille, se disait-il, que le coquin ne manque pas son coup ! Une pareille occasion pourrait bien plus ne jamais se représenter ! Il a, je le sais, un bras solide et une main exercée, mais l’autre est un puissant gaillard. Une fois la chose faite, je ne m’inquiète guère qu’il échappe ou non ; s’il n’échappe pas, eh bien ! on en sera quitte pour le poignarder ! Les morts ne parlent pas. Au pis aller, qui peut venger Rienzi ? Il n’y a pas d’autre Rienzi ! Nous-mêmes avec les Frangipani nous saisissons l’Aventin ; les Colonna et les Orsini se rendent maîtres des autres quartiers de la ville ; et nous pourrons nous moquer de la folle populace, une fois qu’elle sera comme un corps sans âme. Mais s’il découvre… et Savelli, qui, heureusement pour ses ennemis, n’avait pas autant de vigueur que d’audace, se couvrit la figure en frissonnant : « Il me semble entendre un bruit ?… Non… Est-ce le vent ? Chut ! ce doit être le vieux Vico de Scotto, qui se retourne dans sa coque de mailles !… On se tait… Je n’aime pas ce silence !… pas un cri… pas un son !… Est-ce que le gredin nous aurait attrapés ?… ou bien n’a-t-il pas pu escalader la fenêtre ? Ce n’est pourtant qu’un jeu d’enfant… La sentinelle l’aurait-elle découvert ? »

Le temps passait : la première lueur du jour commençait à paraître, quand il crut entendre fermer la porte de l’église. L’anxiété de Savelli devenait intolérable, il se glissa hors de la chapelle et se mit en vue du lit du tribun, tout gardait le silence.

« Peut-être le silence de la mort ! » dit Savelli en rampant à reculons.

Cependant le tribun, tâchant en vain de fermer les yeux, était encore moins disposé au sommeil par la posture incommode qu’il avait dû prendre : La partie de son lit qui était défoncée était celle où l’on met l’oreiller ; le reste était demeuré solide ; il avait renversé l’ordre établi et