Page:Lytton - Rienzi, le dernier des tribuns de Rome, tome 1, 1865.djvu/312

Cette page a été validée par deux contributeurs.
308
RIENZI.

ques confidences de Cecco del Vecchio le saluèrent comme un présage de la ferme résolution de leur tribun. L’assemblée se sépara avec un ordre et un calme singuliers ; on s’en souvint plus tard comme d’un fait remarquable ; dans une si grande foule, composée d’hommes de tous les partis, il n’y eut pas un désordre, pas une querelle. Quelques-uns des barons et des cavaliers, parmi lesquels Luca de Savelli, dont la doucereuse urbanité et la gaieté sarcastique trouvaient faveur près du tribun, et quelques pages et domestiques subalternes, furent les seuls qui restèrent ; et, à l’exception de la sentinelle, qui demeura au portail, cette large place devant le palais, la basilique et la fontaine de Constantin, présenta bientôt un vide silencieux et désolé aux mélancoliques rayons de la lune. Dans l’église, selon l’usage du temps et le rite consacré, le descendant des rois Teutons reçut la croix de l’ordre du Saint-Esprit. Soit par orgueil, soit par quelque faiblesse superstitieuse plus excusable, il se baigna dans le bassin de porphyre, qu’une absurde condition consacrait par le souvenir de Constantin ; et cette imprudence, comme l’avait prédit Savelli, lui coûta cher. Ces cérémonies d’usage terminées, ses armes furent placées dans la partie de l’église comprise entre les colonnes de saint Jean, et son lit de parade y fut préparé[1].

Les barons, pages et chambellans de sa suite se retirèrent hors de vue dans une petite chapelle de côté de l’édifice ; Rienzi fut laissé seul. Une lampe unique, placée près de son lit, rivalisait avec les tristes rayons de la lune qui lançait au travers des longues fenêtres, par-dessus les bas-côtés et les piliers « sa vague et religieuse lumière. » La sainteté du lieu, la solennité de l’heure, la

  1. Dans les pays du Nord le futur chevalier aurait dû passer sa veillée des armes sans dormir. Mais en Italie, cette condition ne semble pas avoir été observée aussi sévèrement.