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RIENZI.

reille d’un Romain, ce serait demander à prendre la place du pauvre Martino, que le ciel ait en sa garde ! car il est plus voisin du ciel qu’il ne le fut jamais avant, dit le Savelli.

— Fais-moi grâce de tes plaisanteries ! cria Orsini irrité : plaisanter sur un tel sujet ! par saint François, tu pourrais bien garder pour toi ces traits d’esprit qui te charment ; et à propos, il me semble t’avoir vu, à la table du tribun, rire de sa grosse gaieté, pour détourner sans doute la corde qui pouvait t’étrangler à ton tour.

— Mieux vaut rire que trembler, répliqua le Savelli.

— Comment oses-tu dire que je tremble ? cria le baron.

— Paix ! paix ! dit le Colonna avec une impatiente dignité. Nous n’avons pas le temps de nous quereller ainsi. Patience, messieurs !

— Vous êtes plus prudent, seigneur, dit le sarcastique Savelli, parce que vous êtes plus en sûreté. Votre maison est sur le point de s’abriter sous celle du tribun, et quand le seigneur Adrien sera revenu de Naples, le fils de l’aubergiste sera frère de votre parent.

— Vous pourriez me faire grâce de ce sarcasme, dit avec quelque émotion le vieux noble : Dieu sait si j’ai été amèrement irrité à cette pensée-là ; pourtant je voudrais qu’Adrien fût avec nous. Sa parole est puissante pour modérer le tribun, comme pour me guider dans ma propre conduite, car chez moi la passion égare la raison, et, depuis son départ, il me semble que nous sommes plus maussades sans en être plus forts. Passons là-dessus. Quand même mon propre fils aurait épousé la sœur du tribun, je frapperais un coup pour la vieille constitution comme il sied à un noble, si j’étais sûr seulement que ce coup ne trancherait pas ma propre tête. »

Savelli, qui venait de chuchoter à part avec Rinaldo Frangipani, dit alors :

« Noble prince, écoutez-moi. La prochaine alliance