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RIENZI.

— Rome est la plus folle des deux, dit Luca de Savelli, mais, dans son égarement, il me semble que le tribun commet là une erreur dont nous pouvons bien nous prévaloir à Avignon.

— Ah ! s’écria le vieux Colonna, voilà quelle doit être notre tactique : passifs ici, combattons à Avignon.

— Eh bien ! pour en finir, il a ordonné de préparer son bain dans le saint vaisseau de porphyre où l’empereur Constantin se baigna autrefois.

— Profanation ! profanation ! s’écria Étienne. En voilà assez pour motiver une bulle d’excommunication. Le pape en saura quelque chose. Je vais lui dépêcher un courrier sur-le-champ.

— Attendez plutôt que vous ayez vu la cérémonie, dit le Savelli ; quelque folie plus grande terminera le spectacle, soyez-en sûrs.

— Écoutez, mes maîtres, dit le farouche seigneur des Orsini, vous êtes pour les délais et les précautions, moi je suis pour la promptitude et l’audace ; le sang de mon parent crie vengeance et ne veut point de pourparlers.

— Et que faire ? reprit la douce voix de Savelli : combattre sans soldats contre vingt mille Romains en fureur ! Je ne m’en charge pas. »

Orsini laissa entendre à demi-voix un murmure significatif. « À Venise on saurait bien sans armée se rendre maître de ce parvenu. Croyez-vous qu’à Rome pas un homme ne porte un stylet ?

— Chut ! dit Étienne, qui était d’un caractère plus noble et plus généreux que ses compagnons, et qui, justifiant à ses propres yeux toute autre résistance au tribun, sentait sa conscience se soulever contre un assassinat, cela ne doit pas être ; votre zèle vous emporte au delà des bornes.

— D’ailleurs qui pourrions-nous employer ? À peine s’il reste un Allemand dans la ville, et dire cela à l’o-