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RIENZI.

dans ses conceptions, si précis dans l’exécution qu’avec un peuple brave, généreux, intelligent et dévoué pour soutenir ses projets, l’avénement du tribun aurait été le terme de l’esclavage de l’Italie et la limite soudaine de l’âge des ténèbres pour l’Europe. Un tel peuple aurait insensiblement contenu les défauts de Rienzi, et réprimé sans peine ses excès de pouvoir. L’expérience, le familiarisant avec l’autorité, l’aurait graduellement corrigé d’en faire un extravagant étalage, et l’énergie active et virile de son intelligence aurait donné carrière aux esprits inquiets, en même temps que sa justice assurait un abri aux esprits tranquilles. Il avait des défauts ; mais étaient-ce ces défauts ou les défauts de son peuple qui devaient amener sa chute ? C’est ce qui peut se discuter encore.

En attendant, entre une noblesse mécontente et une folle populace, poussé par les dangers du repos aux dangers de l’entreprise, aveuglé par sa puissance au dehors, effrayé de sa faiblesse au dedans ; à la fois échauffé par son génie et son fanatisme, et inquiété par les exigences de la multitude, il se jeta tête baissée dans l’abîme impétueux du temps, et son esprit altier ne se soumit à aucun autre guide qu’à cette conviction, qu’il survivrait à la tempête et que le ciel le conduirait au port.