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RIENZI.

désespérées sans être animés d’une force vitale considérable ? de même, on peut en faire la remarque, la plupart de ceux qui se sont élevés au-dessus du vulgaire troupeau sont disposés, parfois, à une gaieté effrénée et à une humeur élastique qui étonnent souvent les esprits plus sobres et plus bourgeois du commun des hommes. C’est ainsi qu’avec la grandeur théâtrale de Napoléon, ou la sévère dignité de Cromwell, contraste étrangement une bouffonnerie fréquente et parfois hors de saison, qu’il est difficile de concilier avec l’idéal de leurs caractères et l’intérêt sombre et imposant attaché à leurs existences. Cette gaieté qui est également un trait du caractère de Rienzi, se montrait à ses heures de délassement, et contribuait à la merveilleuse versatilité avec laquelle son naturel plus sévère se prêtait à toutes les humeurs et s’accommodait de toutes gens. Souvent lorsque de son austère tribunal il passait à table, ce n’était plus le même homme. Même les barons mécontents, qui venaient avec répugnance à ses festins, oubliaient sa grandeur publique dans sa spirituelle familiarité, bien que cet esprit mordant et insouciant ne pût pas toujours s’abstenir de chercher un aliment dans la mortification de ses ennemis familiers, se donnant un plaisir auquel il eût été plus sage et plus généreux de renoncer. Et peut-être était-ce en partie l’entraînement de cet esprit sarcastique et désordonné qui lui faisait trouver des charmes à étonner et à effrayer les autres. Mais cette gaieté même, si on peut l’appeler ainsi, prenant un air de franchise familière, servit beaucoup à le mettre dans les bonnes grâces des classes inférieures, et si ce fut un défaut chez le souverain, ce fut une qualité chez le démagogue.

Au développement que nous venons de faire des traits variés de son caractère, le lecteur doit ajouter un génie si hardi dans ses desseins, si gigantesque et si sublime