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RIENZI.

comme il le disait avec raison, aurait élevé Rome au rang incontestable de capitale des nations européennes. Sous son régime le commerce était en sûreté, la littérature bienvenue, l’art commençait à se développer.

D’un autre côté, la prospérité qui mettait plus en relief sa justice, son intégrité, son patriotisme, ses vertus, son génie, ne faisait pas moins brillamment ressortir l’arrogante conscience qu’il avait de sa supériorité, son goût pour le faste, et l’insolence déréglée et audacieuse de son ambition. Il est vrai qu’il était trop juste pour se venger en rendant aux patriciens leurs violences ; que, devant son tribunal agité et orageux, pas une exécution illégale ou imméritée, soit de baron, soit de citoyen, n’a pu lui être reprochée même par ses ennemis ; mais aussi, partageant d’une manière moins excusable la faiblesse de Nina, il ne put refuser à son cœur orgueilleux le plaisir d’humilier ceux qui l’avaient tourné en ridicule comme bouffon, méprisé comme plébéien, et qui, même alors, serviles en sa présence, le vilipendaient en arrière. « Ils se tenaient debout devant lui, dit son biographe, pendant qu’il était seul assis, tous ces barons, si fiers, tête nue, les mains croisées sur leurs poitrines, les yeux baissés ; oh ! comme ils avaient peur ! » Tableau plus déshonorant pour la servile lâcheté des nobles que pour la rigidité superbe du tribun ! Peut-être croyait-il politique de briser le cœur de ses ennemis et d’en imposer par la crainte à ceux qu’il eût vainement espéré se concilier.

Pour son faste il avait une plus grande excuse ; c’était la coutume de l’époque, c’était la nécessité des insignes, des témoignages du pouvoir ; et quand l’historien moderne le raille amèrement sur ce qu’il n’imite point la simplicité des anciens tribuns, ce reproche ironique décèle une grande ignorance du caractère de son siècle et du vain peuple que ce premier magistrat avait à gouverner. Sans doute, ses somptueuses fêtes, ses processions solennelles,