Page:Lytton - Rienzi, le dernier des tribuns de Rome, tome 1, 1865.djvu/297

Cette page a été validée par deux contributeurs.
293
RIENZI.

Quand un homme s’élève lentement, pas à pas, comme dans des États bien gouvernés et des temps tranquilles, il s’accoutume aux progrès de sa fortune. Mais en une heure, de citoyen devenir prince, de victime de l’oppression devenir dispensateur de la justice, c’est un passage tellement soudain qu’il donne le vertige à la tête la plus solide. Et peut-être, à raison de l’imagination, de l’enthousiasme, du génie de l’homme, ce caractère soudain lui sera-t-il dangereux, réveillera-t-il une espérance trop extravagante et une ambition trop chimérique. Les qualités qui l’ont porté si haut le précipitent à sa chute ; et sa victoire, au Marengo de ses destinées, appelle sa destruction à leur Moscou.

On vit Rienzi dans sa grandeur non pas tant acquérir de nouvelles qualités que développer, au moyen d’une lumière plus éclatante et d’une ombre plus forte, celles qu’il avait toujours déployées. D’un côté, il était juste, résolu, l’ami de l’opprimé, la terreur de l’oppresseur. Son admirable intelligence éclairait tout ce qu’elle touchait. Par l’extirpation des abus, et par un examen investigateur et une sage organisation, il avait triplé les revenus de la cité sans imposer une seule taxe nouvelle. Fidèle à son culte de la liberté, il ne s’était point laissé séduire par le désir du peuple jusqu’à accepter une autorité despotique, mais il avait, comme nous l’avons vu, ressuscité formellement et rétabli avec de nouveaux pouvoirs le conseil parlementaire de la cité. Quelque étendue que fût son autorité personnelle, il en rapportait l’exercice au peuple, ne voulant, disait-il, gouverner qu’au nom des Romains, et jamais il n’exécuta aucune mesure importante sans leur en soumettre les motifs ou la justification. Non moins fidèle à son désir d’assurer la prospérité aussi bien que la liberté de Rome, il avait saisi la première et la plus éblouissante période de son pouvoir pour proposer cette grande ligue fédérative entre les États Italiens, laquelle,