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RIENZI.

ne semblent. Que les saints vous gardent ! Ne manquez pas de vous rappeler ce que je vous ai dit.

— Non, non. C’est une honte de nous voir imposer un empereur. Voilà ce que c’est ; bonsoir, tribun. »

Laissé seul, Rienzi resta quelque temps plongé dans de sombres pressentiments.

« Je suis au milieu d’un cercle magique, dit-il ; si je recule, le diable me déchire en pièces. Ce que j’ai commencé, il faut que je l’achève. Mais ce rude ouvrier ne me montre que trop quels sont les instruments dont je me sers. Pour moi, échouer n’est rien. Je me suis déjà élevé à une grandeur qui pourrait donner le vertige à plus d’un prince de naissance. Mais, avec ma chute, Rome, l’Italie, la paix, la justice, la civilisation tout retomberait dans l’abîme des temps ! »

Il se leva, et après avoir parcouru une ou deux fois son appartement, où du haut de maintes colonnes rayonnaient sur lui les statues de marbre des grands hommes de jadis, il ouvrit la fenêtre pour aspirer l’air du jour alors à son déclin.

La place du Capitole était déserte : on n’y entendait que le pas de la sentinelle. Mais toujours, sombre et effrayant, pendait à la haute potence le cadavre du noble brigand ; et la colossale figure du lion égyptien se dressait à côté, non moins terrible et sombre, dans une atmosphère privée du moindre souffle de vie.

« Terrible statue ! pensait Rienzi ; de combien de rites silencieux et solennels as-tu été témoin près de ton Nil natal, avant que le bras des Romains te transportât ici, témoin antique des crimes des Romains ! Chose étrange ! mais, quand je te regarde, il me semble que tu as quelque mystérieuse influence sur ma propre fortune. C’est à côté de toi que j’ai été salué seigneur de la république de Rome ; à côté de toi sont mon palais, mon tribunal, le théâtre de ma justice, de mes triomphes, de mes magni-