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RIENZI.

— Et qu’entendez-vous par-là ? demanda Nina, étonnée.

— De repousser toute intervention étrangère. De quel droit un concile de princes étrangers donne-t-il à Rome un roi en la personne de quelque empereur teuton ? Le peuple de Rome seul ne doit-il pas choisir le souverain de Rome et passerons-nous les Alpes pour décorer du titre de notre maître un descendant des Goths ? »

Nina se taisait ; la coutume de choisir l’empereur sur le vote d’une diète au delà du Rhin, ne réservant ensuite que la cérémonie du couronnement au consentement dérisoire des Romains, bien que dégradante pour ce peuple et hostile à tout principe d’une indépendance réelle, était alors si peu mise en question, que l’audacieuse idée de Rienzi la laissa étonnée, haletante, quoiqu’elle se crût préparée aux projets de la hardiesse la plus extravagante.

« Comment ! lui dit-elle, après une longue pause. Est-ce que je comprends bien ? Entendez-vous défier l’empereur !

— Voyons, écoute : il y a en ce moment deux prétendants au trône de Rome, à la couronne impériale d’Italie, un Bohémien et un Bavarois. Notre assentiment à leur élection, l’assentiment de Rome, n’est point attendu : il n’est pas même demandé. Pouvons-nous dire que nous sommes libres, pouvons-nous nous poser en républicains, quand on nous impose ainsi le joug d’un étranger, d’un barbare ? Non, nous voulons être libres de fait comme de nom. En outre (poursuivit le tribun, d’un ton plus calme) cela me semble aussi politique qu’audacieux. Le peuple attend toujours de moi des prodiges ; comment pourrais-je l’éblouir plus noblement et le gagner d’une manière plus honorable qu’en revendiquant son inviolable droit de choisir ses propres gouvernants ? Cette audace en impo-