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RIENZI.

l’alliance du tribun, les nobles sont obligés de cacher le ressentiment que leur inspire l’arrivée d’un plébéien au pouvoir. D’un autre côté, pour être fort au dehors, il me faut paraître fort au dedans ; le vaste dessein que j’ai conçu et commencé, comme par miracle, à exécuter, échouera à l’instant s’il paraît, au dehors, confié à un pouvoir mobile et chancelant. Ce dessein (continua Rienzi, s’arrêtant, et mettant la main sur un buste en marbre d’Auguste dans sa jeunesse), est plus grand que son dessein à lui, dont l’âme profonde, mais de glace, unit l’Italie dans un asservissement général ; car mon plan, à moi, c’est d’unir l’Italie dans une même liberté ; oui, si nous pouvions seulement former une grande confédération de tous les États d’Italie, gouvernés chacun par ses lois particulières, mais ligués pour leur défense mutuelle et commune contre les Attilas du Nord, et prenant Rome pour métropole et pour mère, ce siècle et cette tête auraient exécuté une entreprise que les hommes célébreraient jusqu’au son de la trompette du jugement dernier.

— Je connais ton divin projet ! s’écria Nina, que l’enthousiasme gagnait, et qu’importe s’il y a quelque péril pour en atteindre le but ! N’avons-nous pas surmonté le plus grand danger dès notre premier pas ?

— Tu as raison, Nina ; tu as raison ! Le ciel (et le tribun, reconnaissant toujours dans sa propre destinée l’action d’une main suprême, se signa dévotement) protégera celui auquel il a accordé de si sublimes visions sur la rédemption future du pays de la véritable Église et sur la liberté et le progrès de ses enfants ! J’y ai confiance. Déjà beaucoup de cités de Toscane ont ouvert des négociations pour former cette ligue ; et pas un seul tyran, sauf Jean de Nico, ne m’a adressé autre chose que de belles paroles et de flatteuses promesses. Le temps semble venu de frapper le grand coup universel.