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RIENZI.

tant ; lorsqu’il entra, elle se jeta à son cou et murmura en se fixant sur sa poitrine :

« Ah ! depuis combien d’heures nous sommes séparés ! »

Il était singulier de voir cette fière dame, fière de sa beauté, de son rang, des nouveaux honneurs qu’on lui rendait, celle dont la fastueuse vanité faisait déjà le sujet des causeries de Rome et des reproches adressés à Rienzi, changer devant lui d’une manière si subite et si miraculeuse ! Rougissante et timide, elle semblait éteindre toute arrogance dans son ardent amour pour lui. Jamais femme n’a aimé complètement, entièrement, passionnément, sans vénérer celui qu’elle aimait, sans se sentir abaissée (charmée de cet abaissement) par son appréciation exagérée, enthousiaste, de la supériorité de l’objet adoré.

Peut-être la conscience de cette distinction qu’elle mettait entre lui et toutes les autres créatures contribuait-elle à augmenter l’amour du tribun pour sa fiancée, à l’aveugler sur les défauts de celle-ci à l’égard des autres, à lui permettre une magnificence de parade qu’il était politique d’adopter jusqu’à un certain point ; mais cette magnificence a été portée à un excès tel, que si elle n’a pas contribué à amener sa chute, elle a servi d’excuse aux Romains pour leur lâche désertion, et aux historiens d’explication plausible pour des causes qu’ils ne se sont pas donné la peine d’approfondir. Quoi qu’il en soit, Rienzi rendit les caresses de sa femme avec une égale affection, et comme il se penchait sur sa belle figure, cette vue suffit pour chasser de son front les émotions sévères ou tristes qui en avaient récemment assombri l’imposante majesté.

« Tu n’es pas sortie, ce matin, Nina ?

— Non, la chaleur était accablante. Mais, je n’ai pas manqué de compagnie ; la moitié des grandes dames de Rome est venue me faire la cour dans le palais.