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RIENZI.

de l’homme, comme devant celui de Dieu, je veux que Lazare et le riche soient égaux : n’en parlons plus. »

Colonna s’enveloppa dans sa robe avec une grande fierté, se mordit les lèvres en silence. Raimond s’interposa.

« Tout cela vrai, tribun. Mais (et il tirait Rienzi à part), il nous faut être, vous savez, politiques aussi bien que justes… Neveu de deux cardinaux… quel ressentiment cela ne provoquera-t-il pas à Avignon ?

— Ne vous tourmentez point, vénérable Raimond, je me réserve de répondre au pontife. » Tandis qu’ils parlaient, tinta une cloche grave et retentissante. Colonna tressaillit.

« Grand tribun, dit-il avec un ricanement amer, daignez réfléchir avant qu’il soit trop tard. Jamais, que je sache, je ne me suis incliné devant vous en suppliant jusqu’ici, et je vous demande aujourd’hui d’épargner mon propre ennemi. Étienne Colonna prie Cola de Rienzi d’épargner la vie d’un Orsini.

— Je comprends votre raillerie, vieux seigneur, dit tranquillement Rienzi, mais je n’y suis point sensible. Ennemi de l’Orsini, vous plaidez néanmoins pour lui, cela vous donne un air de générosité ; mais, voyez-vous, vous êtes ami de votre ordre plus encore qu’ennemi de votre rival. Vous ne pouvez endurer qu’un homme assez haut placé pour avoir lutté avec vous, périsse comme un voleur. Je rends hommage à un si noble oubli, mais je ne suis point un noble et n’y ai pas de sympathie. Encore un mot : si c’était le seul acte de fraude et de violence commis par ce baron bandit, vos prières plaideraient mieux sa cause ; mais sa vie n’est-elle point bien connue ? N’a-t-il pas été dès l’enfance la terreur et la honte de Rome ? Que de matrones violées, de marchands pillés, d’hommes paisibles poignardés en plein jour, s’élèvent en sombres témoins contre le prisonnier. Et c’est pour un tel homme que j’en-