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RIENZI.

vence pour la reine Jeanne, — au sujet de laquelle, remarquez bien, nous tenons solennellement conseil, — fait naufrage à l’embouchure du Tibre ; là-dessus Martino di Porto, un noble, comme vous dites, le maître de cette forteresse dont il tire son titre, doublement obligé par sa naissance de gentilhomme et par son voisinage immédiat à secourir les malheureux, tombe sur le vaisseau avec ses troupes (de quel droit le rebelle a-t-il des troupes armées ?) et pille le vaisseau comme un brigand vulgaire. Il est saisi, amené à mon tribunal, soumis à une soigneuse et impartiale enquête, condamné à mort. Telle est la loi, que voulez-vous de plus ?

— Sa grâce… répliqua le Colonna. »

Rienzi croisa les bras et rit dédaigneusement. « Jamais je n’ai entendu le seigneur Colonna demander la grâce d’un paysan qui avait volé le pain destiné à nourrir ses enfants affamés.

— Entre un paysan et un prince, tribun, moi, je mets une différence ; le beau sang d’un Orsini n’est pas fait pour être répandu comme celui d’un vil plébéien…

— Que vous estimiez assez peu de chose, interrompit plus bas Rienzi, je me le rappelle, quand mon jeune frère a succombé sous la lance brutale de votre orgueilleux fils. N’éveillez point ce souvenir, je vous en avertis, laissez-le dormir. Honte à vous, vieux Colonna, honte à vous ! Si voisin de la tombe, où les vers nivellent toutes les chairs, comment pouvez-vous prêcher, avec ces cheveux gris, une distinction si peu charitable d’homme à homme ? N’y a-t-il pas déjà assez de différence ? L’un ne porte-t-il pas la pourpre, l’autre des haillons ? L’un n’est-il point à l’aise, l’autre en peine ? L’un ne fait-il pas des galas, tandis que l’autre meurt de faim ? Est-ce que je nourris un projet insensé de niveler les rangs dont la société a fait un mal nécessaire ? Non. Je ne fais pas plus la guerre au riche qu’à Lazare. Mais devant le tribunal