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RIENZI.

pensive, elle prit le jeune garçon par la main et déposa sur son front un baiser affectueux.

« Pauvre enfant ! dit-elle, il semble que ce soit la Providence qui m’a inspiré l’idée de te remarquer, hier, au milieu de la foule, et qui t’a ainsi amené dans l’asile qui convient à tes malheurs. Car où viendraient se réfugier les cœurs privés d’amis, les orphelins de Rome, si ce n’est au palais du premier magistrat de Rome ? » Puis se tournant vers ses domestiques, elle leur donna, pour les arrangements personnels de son nouveau pupille, des instructions qui prouvaient que le pouvoir suprême, en caressant sa vanité, n’avait pas endurci son cœur. Angelo Villani vécut pour payer largement la bonté de sa bienfaitrice.

Elle retint l’enfant auprès d’elle, et, causant familièrement avec lui, elle fut de plus en plus charmée de son esprit hardi et de ses manières franches. Mais leur conversation fut interrompue, pendant le cours de la journée, par l’arrivée de plusieurs dames de la noblesse romaine. Ce fut alors que les qualités de Nina rentrèrent dans l’ombre pour faire place à ses défauts. Elle ne pouvait résister à l’envie féminine d’étaler son triomphe sur ces arrogantes signoras qui maintenant rampaient à ses pieds pour rendre hommage à celle qu’elles avaient autrefois accablée de leurs dédains. Elle affectait le ton d’une reine, elle en exigeait les égards, elle mettait en jeu ces adroits artifices si bien connus de son sexe, pour s’efforcer de faire de sa courtoisie même une véritable humiliation à ses orgueilleuses hôtesses. Grâce à son imposante beauté et à son charmant esprit elle ne tombait point, il est vrai, dans la vulgaire insolence des parvenus ; mais elle piquait encore plus au vif la fierté, en retirant à celles qu’elle mortifiait la compensation d’un juste mépris. Elle possédait si bien la raillerie à mots couverts, l’affront du sourire, le sarcasme