Page:Lytton - Rienzi, le dernier des tribuns de Rome, tome 1, 1865.djvu/266

Cette page a été validée par deux contributeurs.
262
RIENZI.

L’enfant ne répondit rien, et la vieille se retira d’un pas appesanti, moins lourd pourtant que le poids qui oppressait son cœur. Quand il la rejoignit dans leur appartement commun, il remarqua, ce qu’il n’avait pas vu tout à l’heure, dans l’aveuglement de la joie : Ursule ne portait point son simple et sévère costume de tous les jours. La chaîne d’or, rarement prise alors par des femmes qui ne fussent pas de noble naissance (bien que dans l’autre sexe elle fût portée aussi par les fonctionnaires publics et les riches commerçants), la chaîne d’or brillait sur sa robe faite de la plus riche étoffe à fleurs de Venise, et les agrafes qui rattachaient ce vêtement au col et à la taille étaient ornées de bijoux d’une haute valeur.

Ce changement frappa l’œil d’Angelo, mais il remarqua avec une fierté virile que la dame portait à merveille ce riche costume.

Elle avait en effet la tournure et la mine d’une femme habituée à de pareils vêtements, et son extérieur paraissait ce jour-là plus sévère et plus imposant qu’à l’ordinaire.

Elle lissa les cheveux bouclés du jeune Angelo, arrangea avec plus de grâce son manteau court sur ses épaules, et mit ensuite à sa ceinture un poignard dont le manche était richement garni, avec une bourse bien remplie de florins.

« Apprends à te servir discrètement des deux, dit-elle, et que je sois morte ou vive, tu n’auras jamais besoin de recourir au poignard pour te procurer l’or.

— Voici donc, s’écria Angelo ravi, un véritable poignard pour combattre les brigands ! Ah ! avec celui-ci je ne craindrai pas Fra Moréale, qui t’a si cruellement offensée. J’espère bien pouvoir encore te venger, quoique tu viennes tout à l’heure encore de me reprocher mon ingratitude.

Je le suis, vengée. Ne nourris point de telles pensées,