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RIENZI.

pondit par un regard animé d’une sympathie et d’un respect profonds et éloquents ; en effet la courte histoire qu’il avait apprise de Montréal lui avait inspiré un vif intérêt pour elle ; et jamais sa courtoisie ne rendit à la brillante reine, vers laquelle il était député, un hommage aussi chevaleresque, aussi sérieux que ce soir-là à la dame solitaire plongée dans ses tristes rêveries sur les rivages de Terracine.

Adeline rougit légèrement et soupira ; puis, pour rompre le silence embarrassant qui s’était fait entre eux, au moment où Montréal, sans avoir pris garde à la dernière remarque d’Adrien, accordait les cordes du luth : « Sans doute, dit-elle, le seigneur de Castello partage l’enthousiasme universel à l’égard de Pétrarque ?

— Ah ! s’écria Montréal, madame est folle de Pétrarque comme les autres ; mais tout ce que je sais, c’est que jamais chevalier qui ceignit l’épée, jamais honnête amant n’a soupiré ses amours en des stances aussi prétentieuses et aussi tourmentées.

— En Italie, répondit Adrien, la langue vulgaire même est exagérée ; mais votre poésie de troubadour pourrait aussi vous dire que l’amour cherchant sans cesse un langage nouveau qui lui appartienne, ne peut s’empêcher de tomber souvent dans ce qui paraît à tout le monde, excepté aux amoureux, recherche et bel esprit.

— Voyons, cher seigneur, dit Montréal, mettant le luth dans les mains d’Adrien, qu’Adeline décide entre nous quelle est, de ma musique ou de la vôtre, celle qui, dans un chant d’amour, flattera le plus l’oreille.

— Ah ! dit en riant Adrien, je crains pour moi, sire chevalier, que vous n’ayez déjà gagné votre juge. »

Les yeux de Montréal et d’Adeline se rencontrèrent, et dans ce regard, Adeline oublia toutes ses douleurs.

D’une main habile et exercée, Adrien toucha les cordes ; et, choisissant une romance moins péniblement