Page:Lytton - Rienzi, le dernier des tribuns de Rome, tome 1, 1865.djvu/245

Cette page a été validée par deux contributeurs.
241
RIENZI.

ce que, levant les yeux, il aperçut le regard d’Adeline fixé sur lui avec tendresse et tout plein de cette profonde sollicitude avec laquelle elle surveillait l’impression produite dans les traits de son amant par des plans et des projets qu’elle était trop modeste pour désirer connaître, trop innocente pour partager.

« Ma douce amie, dit affectueusement le Provençal, qu’en dis-tu ? faut-il abandonner notre château montagnard et ces sauvages et pittoresques forêts pour les murs monotones d’une cité ? Voilà ce que je crains. La dame Adeline, poursuivit-il en s’adressant à Adrien, a un goût singulier ; elle hait le joyeux va-et-vient des rues et des carrefours et n’estime aucun palais autant que le fort solitaire du proscrit. Et pourtant, ce me semble, elle pourrait éclipser toutes les beautés d’Italie,… excepté ta maîtresse, bien entendu, seigneur Adrien.

— C’est une exception qu’un amant seul et encore un amant fiancé oserait réclamer, répliqua galamment Adrien.

Non, dit Adeline d’une voix singulièrement douce et harmonieuse, non, je sais trop bien à quel prix estimer la flatterie de mon seigneur et maître et la courtoisie du seigneur de Castello. Mais vous êtes délégué, sire chevalier, à une cour, qui, si la renommée dit vrai, se vante de posséder, en la personne de sa reine, l’idéal et le modèle de la véritable et parfaite beauté.

— J’ai vu la reine de Naples il y a quelques années, répondit Adrien, et je ne pensais guère alors, en contemplant cette figure angélique, que je vivrais pour l’entendre accuser du plus lâche assassinat qui jamais déshonora même un diadème italien.

— Et comme si elle était résolue à prouver son crime, dit Montréal, bientôt, soyez-en sûr, elle épousera l’auteur même du méfait. J’en ai une preuve certaine. »

Pendant ces causeries, le jour s’en allait peu à peu, et nos