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RIENZI.

distinguées, mais encore d’une vigueur et d’un prix considérables. Montréal, voyant qu’on le pressait de choisir, prit avec courtoisie le dernier, le moins avantageux.

Annibaldi fut bientôt prêt à entrer en lice, et Adrien donna le signal aux trompettes. Le Romain était d’une taille presque égale à celle de Montréal, et quoique plus jeune de quelques années, présentait sous son armure, à peu près la même stature et la même force musculaire, de sorte que les champions actuels paraissaient au premier abord plus équitablement assortis que les précédents. Mais cette fois Montréal, bien monté, excité à la fois par la honte et l’orgueil, se sentait capable de tenir tête à une armée ; il poussa si bravement le jeune baron, que la plume du casque du Provençal n’en fut pas même ébranlée du coup, tandis que l’Italien fut lancé à quelques pas de son cheval, et ne put reprendre ses sens que quelques instants après, quand ses écuyers eurent levé sa visière. Ce dénoûment rendit à Montréal toute sa gaieté, sa jovialité naturelle, et releva puissamment le courage et l’humeur de ses gens, qui s’étaient sentis humiliés par la première rencontre.

Lui-même il aida Annibaldi à se relever avec une grande politesse et une profusion de compliments que le fier Romain accueillit par un sombre silence, puis il les invita à le suivre au pavillon, ordonnant à voix haute de servir le banquet. Annibaldi, cependant, restait en arrière ; Adrien pénétrait sa pensée ; il voyait qu’entre les flacons une querelle entre le Provençal et son ami allait éclater selon toute apparence, et le tirant à part, il lui dit : « Il me semble, cher Annibaldi, qu’il vaudrait mieux que tu poursuivisses ta route avec le gros de notre escorte jusqu’à Fondi, où je te rejoindrai au coucher du soleil. Mes écuyers et huit lances me suffiront ici comme sauvegarde, et, à vrai dire, je désire échanger en particulier quelques mots avec notre hôte étranger, dans l’es-