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RIENZI.

air renfrogné et presque malgré lui, se joignit à cet accès de gaieté. La courtoisie de son adversaire, néanmoins, l’avait touché, et elle lui gagna les qualités franches et militaires de son caractère : il se remit donc et répliqua :

— Seigneur de Castello, je reste ton débiteur pour une courtoisie que j’ai trop peu imitée. Toutefois si tu veux me faire ton obligé pour toujours, tu me permettras d’envoyer chercher mon cheval de bataille et tu me laisseras une chance de réhabiliter mon honneur. Avec ce coursier-là ou avec un autre égal au tien qui me paraît de race anglaise, je parie tout ce que je possède, terres, château, argent, j’y engage jusqu’à mon épée et mes éperons, que je garderai ce passage, contre tous ceux de ta suite l’un après l’autre. Heureusement, peut-être, pour Adrien, avant qu’il pût répondre, Ricardo Annibaldi s’écria avec une grande ardeur : Sire chevalier, j’ai avec moi deux chevaux qui ont l’habitude des tournois, choisis l’un d’eux et accepte-moi comme champion de la chevalerie romaine contre la chevalerie française ; voici mon gage !

— Seigneur, répliqua Montréal, avec une joie mal contenue, ta proposition témoigne d’un sentiment si généreux et si spontané que ce serait grand péché de ma part si je la rebutais. J’accepte ton gage, et quel que soit celui de tes chevaux dont tu ne veux pas, au nom de Dieu, amène-le ici, et ne perdons point de mots inutiles avant d’agir. »

Adrien savait bien que, jusqu’ici, les Romains avaient été favorisés par la fortune plus que par le mérite ; il essaya, mais en vain, d’empêcher cette seconde épreuve. Mais Annibaldi en fut très-irrité, et sa haute condition rendait impolitique, de la part d’Adrien, une défense péremptoire qui l’aurait offensé ; le Colonna consentit donc avec répugnance à cet engagement. Les chevaux d’Annibaldi furent amenés sur les lieux : l’un était un beau rouan, l’autre un bai, de race et d’encolure un peu moins