Page:Lytton - Rienzi, le dernier des tribuns de Rome, tome 1, 1865.djvu/238

Cette page a été validée par deux contributeurs.
234
RIENZI.

fit oublier un moment au chevalier rudement ébranlé le soin de sa bride. Montréal serrant trop la gourmette dans la précipitation qu’il mit à reprendre équilibre, son cheval se dressa sur ses pieds, et, en ce moment, recevant en plein poitrail la corne acérée et le plastron de mailles de fer du coursier d’Adrien, se renversa sur le gazon par-dessus son cavalier. Montréal en colère se débarrassait en grande honte, lorsqu’un faible cri vint de son pavillon jusqu’à son oreille redoubler sa mortification. Il se releva avec une agilité qui étonna les spectateurs ; car l’armure portée en ce temps-là était si lourde que bien peu de chevaliers, une fois étendus sur le sol, auraient pu se redresser sans aide ; tirant son épée, il s’écria furieux : « À pied ! Combattons à pied ! ce n’est pas ma faute si je suis tombé, c’est celle de cette maudite bête, qu’il m’a fallu, pour mes péchés, élever au rang de cheval de bataille. Arrivez…

— Non, sire chevalier, dit Adrien, retirant ses gantelets et débouclant son casque, qu’il jeta à terre, je viens à toi comme hôte et comme ami ; mais combattre à pied, c’est une rencontre qui ne convient qu’à des ennemis mortels. Si j’acceptais ton offre, ma défaite ne serait qu’une tache à ton honneur de chevalier. »

Montréal, que la colère avait un moment égaré, se soumit d’un air sombre à ce raisonnement. Adrien s’empressa de calmer son antagoniste. « Au reste, dit-il, je ne puis prétendre au prix. Votre lance m’a fait perdre les étriers, la mienne vous a laissé ferme en selle. Vous dites vrai ; la défaite, s’il y en eut, est au compte de votre cheval.

— Nous pourrons nous rencontrer une autre fois quand je serai monté d’une façon moins inégale, dit Montréal, encore échauffé.

— Que Notre-Dame nous en garde ! s’écria Adrien, avec un recueillement si sérieux que les assistants ne purent s’empêcher de rire ; et Montréal lui-même, d’un