Page:Lytton - Rienzi, le dernier des tribuns de Rome, tome 1, 1865.djvu/23

Cette page a été validée par deux contributeurs.
19
RIENZI.

sert de théâtre aux principales scènes de cette histoire ; esquisse nécessaire peut-être à bien des gens pour leur donner une intelligence pleine et entière des motifs qui font agir les acteurs, et des vicissitudes de l’intrigue.

En dépit de ces peuplades métisses, de ces tribus mêlées qui s’étaient établies de force dans la cité des Césars, le peuple romain avait conservé une vague notion de son ancienne suprématie sur le reste du monde, et, déchu des vertus de fer de la république, possédait toute la turbulence insolente et désordonnée qui caractérisait la plèbe du vieux Forum. Au milieu d’une populace féroce sans être brave, les nobles se soutenaient moins comme d’habiles tyrans que comme d’impitoyables bandits. En vain les papes avaient lutté contre ces patriciens obstinés et inflexibles. Bafoués dans le cérémonial de leur rang ; bravés dans leur autorité, publiquement insultés dans leurs personnes, les souverains pontifes du reste de l’Europe résidaient au Vatican comme des prisonniers tremblants sous le fer du bourreau. Lorsque, trente-huit années avant les événements dont nous allons être témoins, un Français était, sous le nom de Clément V, monté à la chaire de saint Pierre, le nouveau pape avec plus de prudence que de courage, avait délaissé Rome pour le tranquille séjour d’Avignon ; et la voluptueuse capitale d’une province étrangère renfermait la Cour du pontife romain et le trône souverain de l’Église chrétienne. Ainsi privé même du frein nominal qu’imposait la présence du pape, le pouvoir des nobles n’avait, on peut le dire, d’autres limites que leur propre caprice ou leurs jalousies et leurs inimitiés réciproques. Bien que se posant, au moyen de généalogies fabuleuses, en descendants des anciens Romains, ils étaient en réalité, pour la plupart, les fils des audacieux barbares du Nord ; et, infectés de l’astuce de l’Italie plutôt qu’imbus de ses affections nationales, ils gardaient le dédain de leurs