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RIENZI.

— Ah ! Walter, est-ce que cela durera toujours ! Te voilà riche et renommé ; ne peux-tu donc abandonner cette vie de batailles ?

— Allons donc, Adeline ! à quoi bon les richesses et la renommée, si ce n’était pas un moyen d’arriver au pouvoir ! Quant à la vie de batailles, le bouclier des guerriers fut mon berceau ; priez les saints d’en faire mon tombeau ! Ces vicissitudes de la vie, que le sort ballotte dans ses jeux bizarres de la chaumière à la tente, de la caverne au palais, aujourd’hui exilé, errant, demain l’égal des rois, constituent le véritable élément de la chevalerie de mes aïeux normands. La Normandie m’a appris la guerre, et la douce Provence l’amour. Un baiser, ma douce Adeline ; et maintenant, que tes femmes viennent se mettre à ta toilette. N’oublie pas ton luth, chère amie. Nous réveillerons les échos avec nos chants de Provence.

Le caractère flexible d’Adeline se laissa aisément entraîner à la gaieté de son seigneur ; et bientôt la cavalcade sortit du château pour gagner l’endroit où Montréal comptait faire halte et se reposer le reste du jour. Mais, déjà préparé contre toute surprise, le château était laissé sous bonne garde, et, outre les domestiques attachés au service intérieur, un détachement de dix soldats armés de toutes pièces accompagnait nos amants. Montréal lui-même portait son corselet, et ses écuyers le suivaient avec son casque et sa lance. Au delà du défilé étroit qui commençait à la base du château, la route s’ouvrait alors sur une large pelouse verdoyante, bordée de bois de tous côtés, excepté en face de la mer, et parsemée de myrtes et d’orangers, au milieu d’un désert d’arbustes odoriférants. En ce lieu, à l’abri du hêtre aux longs rameaux, du classique fagus (que les Anglais traduisent si mal par le nom de beech), on avait préparé un riant pavillon qui dominait la mer étincelante ; il était à couvert des