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RIENZI.

parition du chevalier romain, Montréal, après un examen scrupuleux de ses fortifications et de ses magasins, se sentant sûr de pouvoir tenir au moins pendant un mois de siége, se retira avec une mine plus gaie que de coutume dans l’appartement d’Adeline.

La dame était assise près de la croisée de la tour, d’où l’on pouvait voir un magnifique paysage, composé de bois, de vallons, de bosquets, d’orangers, jardin étrange pour un tel palais ! Comme elle appuyait sa tête sur sa main, tournant un peu son profil vers Montréal, elle avait une grâce inexprimable dans l’inclinaison de son cou, dans sa tête mignonne si pleine de noblesse, dans ses cheveux bouclés, divisés sur le front de cette manière simple que les temps modernes ont si heureusement fait revivre. Mais la physionomie de cette tête à demi détournée, la fixité distraite de son regard, la profonde immobilité de son maintien, étaient si tristes, si douloureuses, que Montréal sentit expirer sur ses lèvres le salut galant et joyeux qu’il préparait déjà pour elle. Il approcha en silence et lui mit la main sur l’épaule.

Adeline se retourna, puis prenant cette main dans les siennes, la pressa sur son cœur, et chassa dans un sourire toute sa tristesse. — « Ô ma bien-aimée ! dit Montréal, si tu pouvais savoir combien la moindre ombre de chagrin sur ta charmante figure assombrit mon cœur, jamais tu ne t’affligerais. Mais il n’est pas étonnant que, dans ces murailles sévères, privée de la compagnie des dames de ton rang, et n’ayant pour entretenir ta gaieté que l’humeur morose de Montréal ou les éclats discordants de ses hommes d’armes,… il n’est pas étonnant que tu te repentes de ton choix.

— Oh ! non, non, Walter, je ne me repens jamais. Seulement je pensais à notre enfant quand vous êtes entré. Hélas ! c’était notre seul enfant ! Qu’il était beau, Walter, et comme il vous ressemblait !