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RIENZI.

sources, prudent et raffiné, ajoutant à sa valeur audacieuse et prête à tout une pénétration qui promettait, lorsque les années auraient mûri et tempéré son infatigable esprit chevaleresque, d’en faire un des plus dangereux ennemis que l’Italie eût jamais connus, Montréal, au premier indice des intentions guerrières de Louis, avait saisi et fortifié un château fort au delà de Terracine, sur cette côte délicieuse, voisine du célèbre passage défendu jadis par Fabius contre Annibal, et que la nature a si bien disposé pour la guerre comme pour la paix, qu’une poignée de soldats y pourrait arrêter la marche d’une armée. La possession d’une telle forteresse sur les frontières même du royaume de Naples donnait à Montréal une importance dont il comptait bien se prévaloir auprès du roi de Hongrie ; et maintenant que la duplicité de Rienzi l’avait arrêté dans l’exécution de ses desseins ambitieux et grandioses sur Rome, son esprit ardent, actif et souple se félicitait de s’être assuré une pareille ressource.

À la nuit tombante, la bande fit halte en deçà des marais Pontins, saisissant sans scrupule des cabanes et des baraques dont elle expulsait les misérables habitants, et massacrant sans plus de cérémonie les porcs, les bestiaux et les volailles d’une ferme voisine. Un peu après le lever du soleil elle traversa ces fatals marécages, déjà desséchés en partie par Boniface VIII, et Montréal, ranimé par le sommeil, consolé de sa récente mortification par les avantages que lui ouvrait la guerre imminente avec Naples, et se réjouissant à l’approche d’une demeure occupée par la seule personne qui partageât son cœur avec l’ambition, avait repris toute la gaieté qu’il tenait de sa nature gauloise et de ses habitudes aventureuses. Cette route funeste, mais consacrée, où les travaux d’Auguste se font voir encore dans le canal témoin du voyage décrit avec une verve si originale par Horace, retentissait des