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RIENZI.

et c’est ce soir qu’il doit accepter la couronne et déposer l’empereur.

— Ha ! ha ! s’écria Montréal en riant, il est assez fou pour cela ? Alors il n’aura pas besoin de notre aide pour se faire pendre. Mes amis, attendons le dénoûment. Aujourd’hui ni peuple ni barons ne paraissent disposés à remplir nos coffres. Traversons le pays, allons à Terracine. Grâces soient rendues aux saints ! Et Montréal (qui n’était pas sans une singulière espèce de dévotion, car vraiment il croyait cette vertu essentielle en chevalerie), fit un pieux signe de croix. Les francs compagnons ne sont jamais longtemps à chercher un quartier.

— Hourra pour le chevalier de Saint-Jean ! crièrent les mercenaires.

— Et hourra pour la belle Provence et l’intrépide Allemagne ! ajouta le chevalier en levant la main ; puis enfonçant les éperons dans les flancs de son cheval déjà fatigué, entonnant sa chanson favorite :

Son barbe et sa fine lame
Et les beaux yeux de sa dame,

Montréal et sa troupe piquèrent des deux bravement à travers la campagne.

Bientôt cependant le chevalier de Saint-Jean tomba dans une rêverie profonde et chagrine, et ses compagnons imitant le silence de leur chef, en quelques minutes le bruit de leurs armes et le cliquetis de leurs éperons troublèrent seuls le silence des plaines vastes et noires au travers desquelles ils se dirigeaient sur Terracine. Montréal se rappelait avec un amer ressentiment sa conférence avec Rienzi, et la bonne opinion qu’il avait de sa sagacité et de sa finesse était humiliée et mortifiée de voir qu’il avait été dupé par un intrigant plus adroit. Ses ambitieux projets sur Rome étaient aussi traversés et même étouffés pour le moment