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RIENZI.

C’était une vieille relique égyptienne, énorme, usée, hideuse, symbole quelconque d’une croyance disparue, dont la figure avait reçu des mains du sculpteur une certaine ressemblance avec le visage de l’homme. Cette circonstance, produisant l’effet probablement cherché par l’artiste, donnait en tout temps une expression mystique, surnaturelle et terrible, à ces traits rigides et à ce calme solennel et taciturne qui est si particulièrement le secret de la sculpture égyptienne. Le respect mêlé d’effroi que cette image colossale et menaçante était bien faite pour inspirer était ressenti plus profondément encore par le vulgaire, parce que l’escalier du Lion était le théâtre ordinaire des exécutions aussi bien que des cérémonies politiques. Et il était rare que le plus robuste citoyen oubliât de se signer ou ne se sentît pas glacé d’une certaine terreur toutes les fois que, passant sur la place, il rencontrait tout à coup fixés sur lui le regard pétrifiant et la grimace de mauvais augure de ce vieux monstre venu des cités du Nil.

Quelques minutes s’écoulèrent avant que l’explosion des sentiments de l’assemblée permît à Rienzi de se faire entendre. Mais lorsque enfin la dernière acclamation se fut terminée par un cri simultané de « Vive Rienzi, libérateur et roi de Rome ! » il leva la main avec impatience, et la curiosité de la foule fit faire un silence soudain.

« Libérateur de Rome, mes compatriotes ! dit-il, oui ! ne changez pas ce titre, je suis trop ambitieux pour être roi ! Gardez votre obéissance à votre pontife, votre serment à votre empereur, mais soyez fidèles à vos propres libertés. Vous avez droit à reprendre votre ancienne constitution, mais cette constitution n’avait nul besoin d’un roi. Jaloux du nom de Brutus, je suis au-dessus des titres d’un Tarquin ! Éveillez-vous, Romains ! Éveillez-vous ! Inspirez-vous d’un amour de la liberté plus noble que celui qui, détrônant le tyran d’aujourd’hui, vous exposerait