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RIENZI.

était incapable de faire valoir son autorité ; Luca di Savelli, un peu poltron, avec toutes ses ruses de traître, voulait déjà tourner bride et appelait ses hommes à le suivre vers son château de Romagne, quand le vieux Colonna s’avisa d’un moyen de préserver sa bande d’une désunion que son bon sens lui représentait comme devant être fatale à la cause commune. Il proposa de se retirer tous à Palestrina et de s’y fortifier ; pendant ce temps-là on choisirait un des capitaines pour aller seul à Rome examiner, à l’aide d’une soumission simulée, les forces de Rienzi ; avec pouvoir discrétionnaire de résister si c’était possible, ou de négocier, aux conditions les plus avantageuses, pour l’admission des autres.

« Et qui voudra se charger de cette dangereuse mission ? demanda d’un ton railleur Savelli. Qui voudra, seul et désarmé, s’exposer à la rage de la plus méchante populace d’Italie, et au caprice d’un démagogue dans le premier enivrement de sa puissance ? »

Barons et capitaines de se regarder en silence, et Savelli de rire.

Adrien, jusqu’ici, n’avait pris aucune part à la conférence et ne s’était guère mêlé aux débats. Il vint alors au secours de son allié.

« Seigneurs, dit-il, je me chargerai de cette mission, mais pour mon propre compte seulement, et non pour le vôtre ; libre d’agir comme il me semble le mieux, pour l’honneur d’un noble Romain et les intérêts d’un citoyen de Rome ; libre de lever ma bannière sur ma propre tour ou de rendre hommage au nouvel État.

— Bien dit ! s’empressa de crier le vieux Colonna, Dieu nous préserve d’entrer à Rome en ennemis, si nous pouvons encore y entrer en amis ! Qu’en dites-vous, beaux sires ?

— On ne saurait choisir un plus digne envoyé, dit Savelli, mais je n’aurais jamais cru qu’un Colonna pût