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RIENZI.

membres effrayants, et sa ténébreuse présence obscurcit la lumière du jour ; le monde tremblant la regarde frappé d’effroi. Saluons tous, saluons l’âme puissante du passé ! Saluons ! saluons tous !

Pendant que nous parlons, que nous saluons cette ombre, elle se meut, elle respire ; sur la cime de sa tête, enveloppée de nuées, bourgeonnent les guirlandes de lauriers. Comme un soleil qui s’élance des bras de la nuit, elle prend une forme et les ténèbres deviennent lumière… Saluons ! saluons tous !

L’âme du passé est revenue à son ancien séjour ; dans les cœurs de Rome elle est revenue reprendre son trône.

Ô renommée, ordonne d’une voix prophétique, ordonne aux extrémités de la terre de se réjouir ! En tous lieux où règne l’orgueil tyrannique, où les bons sont opprimés par les méchants, où les rayons du jour percent faiblement les murs de la cellule qui cache les souffrances du captif, va dire, au bruit d’une trompette, aux nations d’alentour, sur les collines où marchèrent les héros, dans les châsses des saints de Dieu, dans le palais des Césars et la prison des martyrs, va dire que le sommeil est rompu, que le dormeur est éveillé ! que le règne du goth et du vandale est passé et que la terre, une fois encore, se sent fouler par le pas du Romain !

À la fin de cet hymne, la porte de l’église s’ouvrit ; la multitude fit place des deux côtés, et, précédé de trois jeunes membres de la petite noblesse, qui portaient des bannières allégoriques représentant le triomphe de la liberté, de la justice et de la concorde, Rienzi apparut, revêtu d’une armure complète, sauf le casque. Sa figure était pâlie par les veilles, par la vivacité de ses émotions, mais sévère, grave, solennelle ; et l’expression de sa physionomie s’accordait si peu avec l’éclat des sentiments bruyants du vulgaire, que ceux qui le contemplaient arrêtèrent les acclamations sur les lèvres, et imposèrent si-