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RIENZI.

Le forgeron secoua la tête. « Seigneur cavalier, dit-il gravement, nous autres, pauvres gens, nous n’avons nulle passion pour la guerre, nous ne demandons pas à tuer les autres, nous ne demandons qu’à vivre nous-mêmes… avec votre permission.

— Par la sainte Vierge, c’est une réponse d’esclave ! Mais vous autres, Romains…

Nous sommes des esclaves ! interrompit le forgeron, en se retournant vers l’intérieur de sa forge.

— C’est un chien hargneux, dit le vieux Colonna. » Et comme la bande défilait, les grossiers étrangers, encouragés par l’exemple de leurs chefs, adressèrent chacun dans un essai barbare de patois méridional, quelque sarcasme ou quelque brocard au grand nigaud de géant, lorsqu’il reparut sur le devant de sa forge, s’appuyant de nouveau sur son enclume, sans avoir l’air de faire la moindre attention à ses insulteurs, sauf la rougeur qui s’alluma sur son visage basané, et c’est ainsi que le brillant cortége traversa les rues et quitta la ville éternelle.

Il y eut un long intervalle de profond silence, de calme général d’un bout à l’autre de Rome. Les boutiques n’étaient toujours ouvertes qu’à demi ; pas un homme ne vaquait à ses affaires ; c’était comme le commencement de quelque fête quand l’indolence précède le plaisir.

Vers midi, on pouvait voir quelques petits groupes d’hommes dispersés dans les rues, se glissant des mots à l’oreille, mais se séparant presque aussitôt, et, à chaque instant, un passant isolé, généralement revêtu des longues robes portées par l’homme de lettres ou du costume plus sombre du moine, remontait la rue en toute hâte vers l’église de Sainte-Marie d’Égypte, autrefois temple de la Fortune. Puis tout redevenait solitude et abandon. Tout à coup on entendit les sons d’une seule trompette, elle retentit à l’oreille. Cecco del Vecchio leva les yeux de son enclume. Un cavalier solitaire passa lentement de-