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RIENZI.

Le vin fut apporté, la conversation devint libre et familière, et Montréal, dont l’astuce était une qualité d’emprunt, et la franchise une qualité naturelle, confia, sans le savoir, les secrets de ses desseins et de son ambition, à Rienzi, plus ouvertement qu’il n’avait eu l’intention de le faire. En se séparant ils semblaient être les meilleurs amis du monde.

« À propos, dit Rienzi, quand ils vidèrent le dernier gobelet, Étienne Colonna se rend à Corneto, le 19, avec un convoi de blé. Ne serait-il pas bon de vous joindre à lui ? Vous pouvez prendre cette occasion pour inspirer tout bas du mécontentement aux mercenaires qui l’accompagnent dans sa mission et les faire entrer dans notre plan.

— J’y ai déjà pensé, répliqua Montréal, ce sera fait, maintenant, adieu. »

Son barbe et sa fine lame
Et les beaux yeux de sa dame
Sont un prix assez galant
Pour l’intrépide Roland.
Le Normand doit tout conquérir :
C’est l’enfant chéri de l’histoire.
La gloire est tout son plaisir ;
Tout son plaisir est la gloire.

En chantant ce couplet des camps et reprenant son manteau, le chevalier tendit la main à Rienzi et partit.

Rienzi suivit de loin le départ de son convive avec une expression de haine et de crainte. « Donnez le pouvoir à cet homme, murmura-t-il, et ce sera un second Totila[1]. Il me semble voir dans sa nature cupide et féroce, à travers tout l’éclat de sa gaieté et de sa grâce chevale-

  1. Innocent VI, quelques années après, proclamait Montréal pire que Totila.