Page:Lytton - Rienzi, le dernier des tribuns de Rome, tome 1, 1865.djvu/183

Cette page a été validée par deux contributeurs.
179
RIENZI.

sont coupés ; mais, à présent, il me faut user de ménagement et d’adresse pour leur faire ramasser le grain et lier les gerbes.

— Cinq semaines, répéta Montréal, c’est bien plus long que je ne m’y attendais.

— Ce que je désire, poursuivit Rienzi, fixant sur Montréal ses yeux investigateurs, c’est que dans l’intervalle nous observions un calme profond, que nous écartions avec soin le moindre soupçon. Je vais m’enterrer dans mon cabinet et ne convoquerai plus de réunions.

— Et alors ?…

— Pour vous, noble chevalier, si j’osais vous donner des instructions, je vous prierais de vous mêler aux nobles, de professer pour moi et pour le peuple le plus profond mépris et de contribuer à les bercer encore davantage dans leur trompeuse sécurité. En même temps vous pourriez retirer tranquillement de Rome tous les soldats mercenaires dont vous disposez, et laisser les nobles dépourvus de leurs uniques défenseurs. Vous rassembleriez ces braves gens dans les replis des montagnes, à une journée de marche d’ici, d’où nous serions à même de les appeler au besoin. Alors ils paraîtraient à nos portes, au milieu de notre soulèvement, salués par les nobles comme des libérateurs, mais en réalité alliés du peuple. Nos ennemis, dans la confusion et le désespoir où les jettera la découverte de leur erreur, s’enfuiront de la ville.

— Dont les revenus et la souveraineté deviendront l’apanage du hardi soldat et de l’adroit démagogue, s’écria en riant Montréal.

— Sire chevalier, les parts seront égales.

— C’est convenu !

— Et maintenant, noble Montréal, un flacon de notre meilleur cru, dit Rienzi en changeant de ton.

— Vous connaissez les Provençaux, » répondit gaiement Montréal.