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RIENZI.

Le croiriez-vous ? nos amis, si hardis dans des réunions particulières, reculent encore devant une explosion publique. Ils redoutent non pas les patriciens, mais la soldatesque des patriciens ; car le trait caractéristique du courage des Italiens, c’est qu’ils ne se craignent point entre eux, mais que devant le casque et l’épée d’un mercenaire étranger ils tremblent comme des biches.

— En ce cas ils accueilleront avec satisfaction l’assurance de voir ces mercenaires-là à leur service, au lieu de les avoir en face pour ennemis ; et autant vous désirez d’hommes pour votre révolution, autant vous en recevrez.

— Mais la paye et les conditions du traité, dit Rienzi, avec son sourire sec et sarcastique, comment nous arrangerons-nous pour satisfaire l’une et sur quelle base réglerons-nous les autres ?

— C’est une affaire aisée à conclure, repartit Montréal ; pour moi, à vous parler franchement, rien que la gloire et l’excitation d’un pareil bouleversement me suffiraient. J’aime à me sentir nécessaire à l’accomplissement d’événements d’importance. Pour mes hommes il en est autrement. Votre premier acte sera de saisir les revenus de l’État. Eh bien ! quel qu’en soit le montant, le produit de la première année, fort ou faible, sera partagé entre nous. À vous une moitié, à moi et à mes hommes l’autre.

— C’est beaucoup, dit gravement Rienzi, comme s’il eût calculé la chose, mais Rome ne peut acheter trop cher ses libertés. Qu’il en soit donc ainsi !

— Amen ! et maintenant, quelles sont vos forces ? car ces quatre-vingts ou cents signors de l’Aventin, braves gens, sans nul doute, ne suffisent guère à une révolte ! »

Promenant autour de la chambre un regard circonspect, le Romain mit la main sur le bras de Montréal : « Soit dit entre nous, la chose demande du temps pour se consolider. Nous ne pourrons bouger de ces cinq semaines. J’ai été un peu trop vite en besogne. Les blés, il est vrai,