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RIENZI.

Saint-Jean quel parti aurait le dessus, prince ou peuple, pourvu qu’il en arrivât à ses propres fins ; le fait est que s’il avait étudié le caractère du peuple, ce n’était pas pour le servir, mais pour le gouverner ; et croyant tous les hommes poussés par une ambition analogue, il s’imaginait que, sous l’autorité d’un démagogue comme d’un patricien, le peuple devait toujours être victime également ; et que le cri d’ordre d’une part et de liberté de l’autre n’était tout simplement que le prétexte par lequel un homme d’énergie cherchait à justifier son désir de dominer les masses. Se regardant comme un des hommes les plus vaillants et les plus honorables de son temps, il ne croyait pas à des sentiments d’honneur qu’il était incapable de comprendre ; et son scepticisme à l’égard de la vertu le rendait très-crédule à l’égard du vice.

Mais la hardiesse de son naturel le portait peut-être plutôt vers l’aventureux Rienzi que vers l’outrecuidant Colonna. Et d’ailleurs il avait réfléchi que lui-même et ses hommes d’armes pourraient se rendre plus nécessaires à la sûreté du premier qu’à celle du second. À présent son principal objet était d’apprendre de Rienzi, exactement, jusqu’où allaient les forces dont il disposait, et ses préparatifs pour une révolte effective.

Le Romain usa de toute son adresse : d’une part, pour n’en pas révéler au chevalier plus qu’il n’en savait encore, de l’autre, pour le dégoûter, par une réserve apparente. Tout rusé qu’était Montréal, il ne possédait pas cet art merveilleux de maîtriser les autres, qui était à un si haut degré le mérite particulier de l’éloquent et profond Rienzi, et la différence d’aptitude de leurs intelligences était bien visible dans leur présent entretien.

« Je vois, dit Rienzi, que de tous les événements qui ont dernièrement souri à mon ambition aucun ne m’est aussi favorable que celui qui m’assure votre appui et votre amitié. À vrai dire, j’ai besoin d’une alliance armée.