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RIENZI.

renommée. Maintenant qu’il n’était occupé de rien qui fût digne de son esprit d’entreprise et d’intrigue, Rome l’avait attiré par son état de désordre et d’anarchie. Dans la ligue qu’il avait proposée à Colonna, dans ce qu’il avait suggéré à la vanité de ce seigneur, quel était son but personnel ? De rendre ses services indispensables, de se mettre à la tête de la soldatesque que l’exécution des desseins proposés par lui rendraient nécessaire à l’ambition des Colonna, si cette ambition se laissait tenter ; et, dans l’étendue de son audacieux génie pour l’entreprise, il prévoyait probablement que le commandement de semblables forces serait réellement le commandement de Rome : une contre-révolution pouvait aisément renverser les Colonna et lui donner par élection la principauté. Les États-Romains comme les autres États d’Italie avaient suivi quelquefois la coutume de prendre pour magistrat suprême, à titre de podestat, un étranger de préférence à un Romain. Montréal espérait pouvoir devenir à Rome ce que le duc d’Athènes avait été à Florence : c’était une ambition qu’il savait bien être trop élevée pour un gentilhomme provençal, mais non pour un général d’armée. Cependant comme nous l’avons déjà vu, sa sagacité aperçut sur le champ qu’il ne pourrait pousser le vieux chef des patriciens à ces mesures hardies et périlleuses, indispensables pour atteindre l’autorité souveraine. Se contentant de sa position actuelle, formé à la modération par son âge et ses revers passés, Étienne Colonna n’était pas homme à courir le risque d’un échafaud dans l’espoir de gagner un trône. Le mépris que le vieux patricien professait pour le peuple et son idole révéla aussi à la profonde pensée de Montréal que Colonna, s’il n’avait pas l’ambition, n’avait pas non plus le génie politique nécessaires à un prince. Le chevalier, voyant le peu de fruit des conseils qu’il lui avait donnés contre Rienzi, se retourna vers Rienzi lui-même. Peu importait au chevalier de