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RIENZI.

voisine du Tibre. Les premières étoiles de la nuit scintillaient sur l’ancien temple de la Fortune virile que les vicissitudes du temps avaient déjà converti en église de Sainte-Marie d’Égypte ; en face de cet édifice deux fois consacré était la maison de Rienzi.

« N’est-ce pas un beau présage d’avoir une demeure placée vis-à-vis de l’ancien temple de la Fortune ? dit en souriant Rienzi à Montréal qui le suivait dans la chambre que j’ai déjà décrite.

— La valeur n’a pas besoin d’invoquer la fortune, dit le chevalier, la première commande à la seconde. »

Avant de passer au long entretien de ces deux hommes les plus entreprenants de leur époque, je vais faire connaître au lecteur le caractère et les desseins de Montréal un peu mieux que ne l’a encore permis le cours précipité des événements.

Walter de Montréal, généralement connu dans les chroniques italiennes sous le nom de fra Moreale, était entré en Italie en franc et hardi aventurier, digne de devenir le successeur de ces coureurs Normands (il prétendait descendre d’un des plus distingués, par le côté maternel) qui avaient joué autrefois un rôle si étrange dans la chevalerie errante de l’Europe ; réalisant la fable d’Amadis et de Palmerin (où chaque chevalier vaut en personne une armée), gagnant des pays, renversant des trônes ; ne reconnaissant d’autres lois que celles de la chevalerie ; ne se mêlant jamais à la race au milieu de laquelle ils s’établissaient ; incapables de devenir citoyens et se contentant à peine d’aspirer à être rois. En ce temps, l’Italie était comme l’Inde de tous ces aventuriers de grandes maisons, sans sou ni maille, lesquels, comme Montréal, s’étaient enflammé l’imagination aux ballades et aux légendes des Godefrois et des Roberts d’autrefois ; qui s’étaient habitués dès leur jeune âge à dompter le cheval barbe et à supporter sous les ardeurs de la canicule le