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RIENZI.

— Vous vous trompez, étranger. Il n’est pas d’homme au monde qui puisse verser mon sang dans les rues de Rome. Le gibet ! Vous ne connaissez guère la puissance qui entoure Rienzi. »

Ces mots furent prononcés avec un peu de dédain et d’amertume, mais, un moment après, Rienzi reprit d’un ton plus calme :

« La croix de votre manteau montre que vous appartenez à un des plus nobles ordres de chevalerie ; vous êtes étranger et gentilhomme, quelles sympathies généreuses peuvent faire de vous un ami du peuple romain ?

— Cola de Rienzi, répondit Montréal, les sympathies qui nous unissent sont celles qui unissent tous les hommes élevés par leurs propres efforts au-dessus du vulgaire troupeau. J’étais noble, il est vrai, de naissance, mais faible et pauvre ; aujourd’hui, sur un signe de moi, marchent de ville en ville les instruments armés du pouvoir ; un mot de ma bouche est la loi de milliers d’hommes. Cette autorité, je n’en ai point hérité, je l’ai acquise grâce à une tête froide et à un bras intrépide. Tu vois en moi Walter de Montréal, n’est-ce pas un nom où tu peux reconnaître un génie de même famille que le tien ? L’ambition n’est-elle pas un sentiment commun entre nous ? Je ne conduis pas des troupes pour le seul amour du gain, bien qu’on m’ait traité d’avare, et je n’égorge pas des paysans pour répandre du sang à plaisir, bien qu’on m’ait appelé cruel. Les armes et les richesses sont les muscles, les ressorts de la puissance, et c’est la puissance que je désire ; et toi, courageux Rienzi, ne luttes-tu pas aussi pour le même objet ? Est-ce la puante haleine de la canaille nourrie d’ail, est-ce le murmure envieux des gens d’école, est-ce la vaine criaillerie de moutards qui t’appellent patriote, homme libre et autres sornettes ? Est-ce là ce qui peut te satisfaire ? Non, ce sont seulement tes instruments pour parvenir au pouvoir. Ai-je dit vrai ? »