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RIENZI.

prêt à manifester sa colère à la fois par la hache et par le gibet, les gens du peuple, dis-je, ne purent se défendre de l’idée superstitieuse qu’il n’y avait qu’une autorité venue d’en haut qui fût capable de donner à leur chef une telle hardiesse et le préserver du danger qu’elle lui faisait courir. Et de fait c’était en ce courage même de Rienzi que consistait sa sûreté ; il était placé dans une de ces situations où l’audace est de la prudence. Eût-il été moins hardi, les nobles auraient été plus sévères ; mais pour autoriser une si grande liberté de langage chez un officier du saint-siége, ils pensèrent naturellement que l’assentiment du pape s’unissait à l’approbation du peuple. Ceux qui n’avaient pas, comme Étienne Colonna, le même mépris pour les paroles que pour le vent qui passe, reculèrent devant la tâche de punir un homme dont la voix pouvait n’être que l’écho des désirs du pontife. Les dissensions intestines des barons ne favorisaient pas moins Rienzi. Il attaquait un corps dont les membres étaient désunis.

« Ce n’est pas à moi à le tuer ! disait l’un.

— Je ne suis pas le représentant des barons ! ajoutait l’autre.

— Si Étienne Colonna n’y fait pas attention, il ne serait pas moins absurde que dangereux pour un gentilhomme moins puissant de se faire le champion de son ordre ! dit un troisième. »

Les Colonna s’unirent en un sourire approbateur quand Rienzi dénonça un Orsini ; un Orsini rit aux éclats quand il fit tonner son éloquence contre les Colonna. Les nobles inférieurs furent vivement satisfaits d’entendre décrier les deux maisons ; et, d’un autre côté, l’évêque avait puisé dans cette longue impunité de Rienzi le courage de sanctionner la conduite de son défenseur. À vrai dire, il affectait parfois de blâmer l’excès de son zèle, mais ce blâme était toujours accompagné de l’éloge de sa