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RIENZI.

tandis qu’il en est temps encore. Purgez vos routes des bandits qui les infestent, vos murs des mercenaires qu’ils hébergent. Bannissez ces discordes civiles, ou les hommes qui les entretiennent, quelque grands, quelque orgueilleux qu’ils soient. Arrachez les balances des mains de la fraude, le glaive des mains de la violence. La balance et le glaive sont les anciens attributs de la justice : c’est à elle qu’il faut les rendre. Que cette tâche soit votre tâche sublime, ce but votre grand but. Voyez dans quiconque y met obstacle un traître à son pays. Remportez une victoire plus grande que celle des Césars, une victoire sur vous-mêmes. Que les pèlerins du monde contemplent la résurrection de Rome. Faites une même époque du jubilé de la religion et du rétablissement de la loi. Déposez le sacrifice de vos passions vaincues, les prémices de vos libertés renaissantes, sur l’autel même que renferment ces murs, et jamais, oh ! jamais, depuis que le monde commença, les hommes n’auront fait une offrande plus agréable à leur Dieu ! »

La sensation produite par ces mots dans l’auditoire, était si puissante ; les âmes, foudroyées par l’éloquence de l’orateur, étaient si haletantes, que Rienzi était descendu de l’estrade et avait déjà disparu derrière la tenture d’où il était sorti, avant que la foule pût croire qu’il avait cessé de parlé.

La singularité de cette soudaine apparition, d’une mystérieuse splendeur, et disparaissant au moment même où son message était rempli, ajouta un nouvel effet aux paroles qu’elle avait prononcées. Cette allocution hardie prit aussitôt un caractère d’inspiration surnaturelle ; pour les esprits du vulgaire ces paroles d’un mortel devinrent celles d’un oracle ; les gens du peuple, émerveillés du courage avec lequel leur idole avait sans hésitation évoqué et affronté ces barons orgueilleux, dont chacun leur apparaissait entouré d’une auréole de bourreau consacré,